3 juin 2021

Article paru dans Info Chimie le 01/02/2021: Interor veut participer au mouvement de relocalisation

Interor veut participer au mouvement de relocalisation

Interor veut participer au mouvement de relocalisation

La société calaisienne de chimie fine vient de changer d'actionnaire avec une prise de participation majoritaire du groupe Turenne. À sa tête, Geoffroy Waroqueaux va conduire sa croissance dans le domaine des intermédiaires à façon, avec la volonté d'être aussi un acteur de la relocalisation de la production de médicaments en France et en Europe.

La société familiale Interor, installée à Calais dans le Nord de la France, a changé de propriétaire. Cela faisait deux ans que Marie-Anne Guillot-Ratti, fille du fondateur Michel Ratti, préparait sa succession, alors qu'aucun membre de sa famille n'était en mesure de prendre la suite. Le repreneur est le groupe Turenne qui acquiert une part majoritaire via son fonds FPCI Capital Santé 2, accompagné par Nord Capital Investissement et Bpifrance. Les familles Guillot et Ratti conservent une part du capital, aux côtés de l'entrepreneur Geoffroy Waroqueaux qui devient le nouveau président-directeur général. « Interor est une société bien gérée. Son chiffre d'affaires est longtemps resté sur un plateau autour de 20 millions d'euros, avant de se développer, ces trois dernières années, pour atteindre les 32 millions d'euros de chiffre d'affaires, l'an passé, avec un effectif de 140 personnes », explique Geoffroy Waroqueaux. Les marchés servis sont celui de la pharmacie à 75 % et celui de la chimie de spécialités à 25 %. Les ventes se destinent à 80 % aux marchés français ou européens, à 20 % en dehors de l'Europe. Néanmoins, le nouveau dirigeant estime que la société a le potentiel pour aller bien au-delà. Il table notamment sur une croissance de 10 à 15 % par an dans les années à venir.

Ce qui caractérise Interor, c'est sa capacité à mettre en oeuvre des réactions très spécifiques telles que des hydrogénations, bromations, des réactions de Grignard, de Dickman..., ainsi que de nombreuses réactions à basse et haute pressions et à basse et haute températures. La société dispose d'une capacité de production totale de 140 m3, répartie dans cinq bâtiments. En plus de l'atelier dédié aux hydrogénations et au chimiques dangereux spécifiques, mais conserve pleinement son caractère polyvalent permettant d'effectuer des synthèses multi-étapes. Interor est réputée pour cette capacité à fabriquer dans les meilleures conditions de respect des normes de qualité, de sécurité et de respect de l'environnement, ainsi que pour sa R&D d'excellent niveau.

Si elle fabrique quelques produits catalogue - pyridine, pipyridine, quinuclidine - représentant 10 % de son chiffre d'affaires, l'entreprise mise davantage sur son activité de synthèse à façon qui ne fait que croître. « La société fabrique de plus en plus de molécules in house pour le compte de ses clients qui sont majoritairement des grands groupes. C'est ce qui explique le décollage du chiffre d'affaires, ces dernières années », commente Geoffroy Waroqueaux. Il s'agit essentiellement de matières premières - starting materials et regulated starting materials - et d'intermédiaires GMP, - de N-3 à N-1 de l'actif pharmaceutique. En revanche, la société ne se positionnera pas sur les actifs. « Nous avons fait le choix de ne pas aller sur ce marché pour ne pas entrer en concurrence avec nos clients », explique le dirigeant.

Une croissance interne privilégiée

Une croissance interne privilégiée

Pour ce qui est du projet de développement élaboré avec Turenne, Geoffroy Waroqueaux explique que l'actionnaire ne rachètera pas de société concurrente d'Interor, « à part pour le faire grandir ». En revanche, l'expansion de la société se fera sur la base d'un développement commercial plus « énergique » dans les intermédiaires. « Le choix de la famille a toujours été de rester très discrète, notamment parce que cela plaisait à certains clients. Mais cette culture du secret peut parfois peser sur le développement », ajoute Geoffroy Waroqueaux qui souhaite augmenter la notoriété de la société. « Il n'y a que les experts qui nous connaissent », remarque-t-il. Il ajoute néanmoins que la reprise d'Interor par le fonds de Turenne a déjà permis de mettre en lumière la société. « Des acteurs des actifs nous ont déjà contactés dans le cadre du plan France relance qui pousse à une relocalisation de la production de médicaments en Europe », poursuit Geoffroy Waroqueaux. « Nous-mêmes, nous utilisons pas mal de matières premières en provenance d'Europe, mais nous nous approvisionnons aussi en Asie. Nous sommes parfois gênés par des délais d'approvisionnement qui peuvent atteindre six mois pour certaines matières en provenance de Chine », concède-t-il.

Mais pour qu'il y ait relocalisation de la production d'actifs en Europe, Geoffroy Waroqueaux estime qu'il faudra faire des efforts sur les prix. « Entre un produit fabriqué en Europe et en Asie, il y a une différence de prix qui est traditionnellement de 20 à 30 % . Les industriels du médicament ne payeront pas ce différentiel, juste pour relocaliser. Il faut trouver des idées pour faire tomber ce différentiel autour de 10 à 15 % ». Il poursuit : « Cela reste jouable. Dès le départ, il faut considérer la productivité comme élément clé de la synthèse. Ainsi, nous travaillons sur les temps de synthèse que nous essayons de réduire au maximum, notamment en optimisant le nombre d'étapes de synthèse. Nous surveillons de près le prix des solvants et les volumes consommés... La chimie française et européenne doit retrouver sa place dans le concert mondial et Interor a les moyens d'y figurer en excellente place. »

Des possibilités d'expansion sur site

Des possibilités d'expansion sur site

Quant à une augmentation future des capacités de production de la société, elle pourra être envisagée sur site. Installée dans une zone industrielle en périphérie de Calais, elle occupe 7 hectares de superficie, alors que ses bâtiments ne mobilisent que le quart de la surface. « Comme nous pratiquons de la multsynthèse en procédé par batch, nous disposons d'autorisations d'exploitation assez larges qui nous permettront de nous agrandir et de construire un nouveau bâtiment, le moment venu », ajoute le dirigeant.

Pour l'heure, le projet qui va mobiliser l'entreprise pendant quelques mois est l'installation d'un nouvel ERP dans toute l'usine pour la gestion des commandes, des achats, stockages et des ventes. Et Geoffroy Waroqueaux souligne qu'avec l'arrivée de Turenne, la capacité d'investissement a changé, passant de presque 1 million d'euros, chaque année, à plusieurs millions d'euros, si le besoin s'en faisait sentir. Mais ces projets se concrétiseront, le moment voulu : « Avec le groupe Turenne, nous ne sommes arrivés aux commandes d'Interor que le 16 décembre dernier, et nous sommes encore en cours d'élaboration de notre business plan ». ?

LE PROFIL DE GEOFFROY WAROQUEAUX

Geoffroy Waroqueaux, avec qui l'équipe Turenne Santé a collaboré par le passé, a acquis une solide et longue expérience de la gestion et du développement commercial de sites de production chimiques et pharmaceutiques, notamment au sein de Ponroy, Famar, Boehringer, et plus récemment, des Laboratoires Richard, site pharmaceutique de Pharma et Beauty Group, dont il a relevé le chiffre d'affaires en moins de deux ans. Geoffroy est docteur en pharmacie industrielle et titulaire d'une maîtrise en chimie organique et en biochimie.

Le groupe Turenne en bref

Fondé en 1999, le groupe Turenne accompagne les entreprises, start-up, PME et ETI, dans le financement en fonds propres à chaque étape de leur développement sur tout le territoire. Son fonds professionnel de capital investissement FPCI Capital Santé 2, géré par l'équipe Turenne Santé, a réalisé sa cinquième opération, avec sa prise de participation dans Interor, dépassant sa taille maximale cible fixée à 150 M€ de souscriptions. La stratégie de Capital Santé 2 vise à soutenir la croissance et à répondre aux enjeux de transmission des PME et ETI françaises rentables du secteur de la santé et de leurs fournisseurs.